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L‘OAI, 35 ans plus tard : le regard de Pierre Hurt sur ce monument
It's my story

7 minute(s)

15 May 2025

L‘OAI, 35 ans plus tard : le regard de Pierre Hurt sur ce monument

Le directeur de l'OAI dans les locaux de l'Ordre

Le directeur Pierre Hurt peut se satisfaire du chemin accompli depuis 35 ans (crédit : Laurent Antonelli / Agence Blitz).

Auteur Jean-Michel Cavalli

L’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils (OAI) est un monument robuste, ancré sur des fondations solides. Le directeur Pierre Hurt profite de ce 35e anniversaire pour revenir sur l’actualité de l’OAI et esquisser l’avenir.

Pouvez-vous nous rappeler le rôle et les missions de l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils ?

Avec une équipe formidable d’architectes et d’ingénieurs bénévoles, j’ai eu la chance de contribuer à la création de cet établissement d’utilité publique dès son origine. Dès le début, nous avons créé un Ordre commun des architectes et des ingénieurs-conseils. Par la suite, se sont greffés les architectes d’intérieur, les urbanistes, les paysagistes et les géomètres. C’est vraiment rare, en Europe, de réunir dans un seul ordre les six professions qui conçoivent le monde dans lequel nous vivons. Pour en revenir à la question initiale, la première mission de l’Ordre couvre le champ légal et déontologique. Toute personne qui veut exercer en tant qu’indépendant doit être inscrite au Tableau de l’Ordre. C’est un label de qualité pour le client, pour le maître d’ouvrage, de pouvoir s’appuyer sur une personne qualifiée, compétente, responsable et notamment indépendante. La deuxième mission de l’Ordre est professionnelle et sociétale. Nous défendons les intérêts et les droits légitimes de nos membres. Cela implique de négocier le cadre de travail de nos membres, tous les contrats types et de nous impliquer dans le processus législatif, pour assurer la prise en compte des expériences du terrain. Enfin, le troisième volet relève de notre action dans le domaine culturel. Nous avons une large panoplie d’activités qui se traduit par des initiatives telles que le Bauhärepräis OAI bhp.lu, architectour.lu, guideoai.lu, l’organisation d’expositions, de tables rondes, etc. Développer notre culture du bâti, c’est la manière de l’OAI d’apporter sa pierre à cet édifice du vivre-ensemble.

En 35 ans, le visage du Luxembourg a considérablement changé d’un point de vue architectural. Quel regard portez-vous sur le développement urbanistique du pays ?

L’une des grandes particularités du Luxembourg, c’est de compter des architectes et des ingénieurs qui ont presque tous étudié à l’étranger. Cette polyvalence, ce multiculturalisme nous confère une énorme force. Les trois dernières décennies sont vraiment allées dans la bonne direction grâce à cette ouverture et à une grande réactivité. Si l’on prend par exemple toutes les directives européennes sur l’énergie, nous sommes en avance. D’un point de vue général, nous pouvons qualifier la qualité du bâti comme bonne. L’évolution est satisfaisante mais on peut s’autoriser cette critique: en raison du caractère hétéroclite du Luxembourg, il n’y a pas encore assez de cohérence dans notre aménagement du territoire et de l’urbanisme. Je ne parle pas de conformisme, mais j’insiste bien sur une plus grande cohérence contextuelle qui pourra donner des réponses intelligentes et durables aux nombreux défis: climat, énergie, mobilité, logement…

« Notre position est ferme : la majorité du capital d'un bureau d'architectes ou d'ingénieurs-conseils doit être détenu par les personnes qui exercent la profession »

[ Pierre Hurt ]

Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels les architectes et ingénieurs-conseils luxembourgeois devront faire face dans les prochaines années ?

Le premier défi consiste à trouver des collaborateurs. Il y a une concurrence folle sur le marché du travail. Nos membres sont en concurrence avec l’État, les communes, les autres acteurs du privé… En parallèle, et c’est un regret, il n’y a pas assez d’étudiants qui se tournent vers le secteur de nos professions techniques. Le deuxième défi vise à rester fidèle au principe fondamental de l’Ordre, à savoir garantir l’indépendance professionnelle de nos membres. En Europe, il y a une tendance qui mène à l’investissement de grands groupes dans des cabinets. Sur ce point, notre position est ferme : la majorité du capital d’un bureau d’architectes ou d’ingénieurs-conseils doit être détenu par les personnes qui exercent la profession, qui ont le diplôme, et qui ont cette responsabilité sociétale qui est inscrite dans la déontologie. La nouvelle loi qui portera sur l’Ordre – qui devrait être promulguée en 2025 – va dans cette direction. Enfin, un autre grand défi conduit à la nécessité de simplifier, de digitaliser et de fluidifier le carcan administratif. Il faut cette simplification pour donner plus de créativité, de liberté, pour créer de la qualité. L’Ordre propose la sobriété heureuse: “less is more if less is quality and health” (“Moins, c’est plus, si moins est synonyme de qualité et de santé”).

Comment l'OAI aborde-t-il les défis liés à l'urbanisation croissante et à la densité urbaine au Luxembourg ?

Une densité bien planifiée mène à un habitat qualitatif. Et la densité ne peut être qualitative que si elle s’intègre dans un espace public bien pensé. Cela nécessite de soigner les espaces verts, d’accompagner la mobilité douce pour un vivre-ensemble résilent. Il faut densifier dans des endroits stratégiques desservis par les transports en commun selon le programme directeur de l’aménagement du  territoire.

Le bâtiment qui abrite l'OAI
Le siège de l'OAI rayonne en plein coeur de la capitale luxembourgeoise (crédit : Laurent Antonelli / Agence Blitz).
Quels sont les projets futurs ou les initiatives que l'OAI prévoit de lancer pour soutenir ses membres et promouvoir l'architecture et l'ingénierie de qualité au Luxembourg ?

Simplifier et standardiser le cadre de travail : il faut savoir que jusqu’à présent, nous avons une multitude de contrats types, dix-neuf très précisément, avec l’État, les communes et les établissements publics. Nous sommes en train de mettre en place un nouveau contrat type via le CRTIB qui décrira, en détail, les missions de base de nos membres. Organiser les procédures d’attribution des missions à nos membres est aussi une de nos priorités : un guide QBS (Quality / Qualification based selection) sera publié sous peu. Ensuite, nous poursuivons notre méthodologie de construire ensemble, à savoir MOAI.LU, maîtrise d’oeuvre OAI, assurant une collaboration intégrale et coordonnée des concepteurs avec les autres acteurs. En outre, notre collaboration avec la House of Training de la Chambre de Commerce en matière de formation continue sera encore accentuée.

« L’acte de construire est la concrétisation la plus forte de nos valeurs communes. Qui construit, construit pour nous tous »

Perspectives futuristes : selon vous, quel visage aura le Luxembourg dans 35 ans?

Si je devais me projeter, je ferais référence au processus Luxembourg in Transition (LIT). À mes yeux, il faudrait rebaptiser ce LIT en GRIT pour Grande Région In Transition. En matière d’aménagement du territoire comme dans d’autres domaines – et la crise du Covid nous l’a démontré avec la santé –, le Luxembourg doit être un des pôles de cette grande région et moteur vers la résilience, la circularité dans la création de notre cadre de vie.

Une question devenue incontournable: quelle place occupe l’intelligence artificielle dans vos métiers ?

Nos membres utilisent cette technologie. Des formations sont mises en place. Pour l’IA, il s’agit de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’avec les réseaux sociaux. A savoir ne pas déroger au respect de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur ainsi qu’au principe de l’open source. Surtout, il faut un cadre et un contrôle rigoureux par les pouvoirs publics car l’IA a le même impact systémique voire vital que l’eau, l’air, etc.

Pour finir, quels messages aimeriez-vous partager avec nous ?

L’acte de construire est la concrétisation la plus forte de nos valeurs communes. Qui construit, construit pour nous tous. D’où l’importance de partager cette responsabilité sociétale des maîtres d’ouvrage avec des concepteurs indépendants.

L'OAI en chiffres

  • 800 bureaux (toutes professions confondues) établis au Luxembourg
  • 200 bureaux étrangers exerçant occasionnellement au Luxembourg
  • 6.000 personnes employées dans les bureaux établis au Luxembourg
  • 72 % des bureaux établis au Luxembourg sont composés de 1 à 5 personnes

Infos : www.oai.lu

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