Alors qu’a été lancée par le Gouvernement au mois d’octobre 2024 une consultation portant sur la viabilité à long terme de notre système de retraites, IDEA a mené un cycle de 4 études pour contribuer à ce débat essentiel pour l’avenir du pays. La présentation d’un « quatuor de réformes » par le think tank IDEA, lors de la conférence du 3 avril « Réforme des pensions : que faire ? » en présence de la ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale Martine Deprez, constitue l’aboutissement de ces travaux.
La dernière réforme du régime général des pensions date de 2012. Presque tous les éléments du débat actuel sur la viabilité à long terme du système de pensions étaient alors déjà évoqués dans le projet de loi. Ainsi, il était considéré que « la situation actuelle du régime de pension peut être qualifiée de saine. Mais la bonne santé actuelle de l’assurance pension est avant tout due à une évolution économique plus que positive et à une croissance de l’emploi sans pareille au cours des dernières 25 années. » Face à une situation favorable, symbolisée par l’accumulation de réserves, « la forte évolution des cotisants représentent en même temps les risques de demain, parce que les nombreux cotisants d’aujourd’hui deviendront de toute évidence les nombreux pensionnés de demain. »
Un système de pensions soutenable jusqu’à quand ?
La réforme de 2012 a, certes, permis de renforcer la résilience du régime générale des pensions, mais pas dans des proportions suffisantes à l’aune des données et des projections de 2025. C’est ainsi que les dernières études de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) entrevoient la fin de l’équilibre budgétaire du système de pensions entre les recettes et prestations hors réserves dès 2026, et ensuite l’épuisement de la réserve durant la décennie 2040.
Ce constat est basé non seulement sur des projections macroéconomiques et démographiques mais également sur deux autres méthodes utilisées par IDEA dans le document de travail n°28 « Pensions, au pied du mur ! ». Ce document met en lumière un déséquilibre intrinsèque entre les contributions et les prestations futures de pension, qui sera de plus en plus prégnant sous l’effet du vieillissement démographique et du ralentissement économique luxembourgeois. Il est ainsi nécessaire de mettre en place des mesures susceptibles d’assurer l’avenir financier des pensions.
De telles mesures auront d’autant plus d’impact si un effort anticipé (sur les prestations et les recettes) était mis en œuvre dans les années à venir. Cet effort, appelé « préfinancement », est au cœur du document de travail n°29 « Pensions : une si coûteuse procrastination » publié par IDEA au mois de décembre 2024. Le maintien des réserves à un niveau proche voire supérieur au ratio actuel de quatre fois les prestations annuelles, favorisé par ce préfinancement, engendre un cercle vertueux où les revenus du patrimoine participent à compenser les effets du vieillissement démographique. En l’absence d’un tel effort anticipé, les prestations devraient être considérablement réduites à terme selon les projections économiques et démographiques actuelles.
4 réformes à la philosophie différente…
C’est à partir de ces constats qu’IDEA a proposé et simulé 4 réformes complètes dans l’étude « Pensions : un quatuor de réformes », dont certaines mesures combinées pourraient constituer le futur du système de pensions luxembourgeois.
La réforme Ecureuil tend à privilégier la dimension « épargne », dans le but d’une restauration de l’équilibre financier à moyen terme du régime général de pension, tout en intégrant un ciblage social de certaines mesures. Ce scénario de base implique les pensionnés actuels à l’effort global, sous la forme d’un ciblage social du lien entre les pensions et les salaires réels, qui serait introduit de manière inconditionnelle dès 2027. Cette mesure participerait à l’effort anticipé à mener (préfinancement). En parallèle, deux évolutions programmées dans la loi actuelle seraient accentuées, à savoir la diminution graduelle de la partie des pensions qui est proportionnelle aux revenus cotisables et l’augmentation parallèle de la partie « fixe » des mêmes pensions. La progression future de la pension moyenne serait ainsi freinée pour réaliser des économies, tout en préservant les « petites pensions » et en « écrémant » les pensions les plus élevées. Une augmentation de la cotisation dépendance augmenterait, en parallèle, les recettes.
Deux réformes se différencient de ce scénario de base par leur accent mis, d’un côté sur l’aspect social, et de l’autre sur la dimension d’âge. La réforme Sociale présente de décisifs accents sociaux par rapport à la réforme Ecureuil. Elle intègre ainsi une augmentation de 10% de la pension minimum ainsi qu’un déplafonnement partiel de la base contributive qui donnerait droit à des prestations réduites au simple cumul de l’inflation.
La réforme d’Age prend en compte l’augmentation prévue de l’espérance de vie anticipée dans les années à venir. Elle comporte, en conséquence, une indexation des âges de la retraite (57, 60 et 65 ans) et de la durée du stage de 40 ans à l’espérance de vie à 60 ans. Il serait projeté de conserver la moyenne actuelle de durée de la vie en pension de 25 ans, et de travailler 2 années de plus d’ici 2050 si les anticipations actuelles se révèlent exactes. En contrepartie, cette réforme propose d’instaurer un bonus du montant de la pension pour les personnes qui travaillent plus longtemps et diffèrent leur départ en retraite, ainsi que de rendre plus flexible les retraites partielles pour s’adapter aux parcours et choix de vie de chaque futur pensionné.
Enfin, face aux incertitudes des projections, le think tank a eu l’idée d’un système de « pilotage automatique ». Celui-ci ne comporte qu’une seule et unique mesure, à savoir l’intégration à la formule de calcul de pension d’un facteur de durabilité, qui vise à assurer à tout moment l’équilibre financier du régime général de pension, en jouant à la fois sur le niveau des prestations et des cotisations.
… pour un même redressement crédible de la trajectoire déficitaire du système de pensions
Les 4 réformes, à la philosophie très différente, ont pour point commun de permettre un redressement crédible de la trajectoire déficitaire du système de pensions dans les trois décennies à venir. Même la réforme Sociale irait de pair avec des réserves conséquentes en fin de période, contrastant vivement avec une dette croissante selon la législation actuelle.
En tout, IDEA a proposé 17 mesures pouvant intégrer une réforme des pensions dans les mois à venir. Elles pourront contribuer à garantir la viabilité à long terme du régime général des pensions, tout en considérant les dimensions d’équité intergénérationnelle, de solidarité, de parcours de vie et de compétitivité. Rendez-vous en juin pour savoir à quel point le quatuor aura été entendu.