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Défense : le plan d’action de la Chambre de Commerce en 10 recommandations
The economy

7 minute(s)

30 April 2025

Défense : le plan d’action de la Chambre de Commerce en 10 recommandations

des soldats luxembourgeois posent de dos

Rapprocher l'armée des industriels de la Défense figure dans le catalogue de recommandations de la Chambre de Commerce (crédit: Armée luxembourgeoise).

Auteur Jean-Michel Cavalli

Lux4Defence: l’appellation, aux faux-airs d’un nom de code de mission, rassemble les 10 recommandations de la Chambre de Commerce pour structurer, au cours des cinq prochaines années, l’intensification des dépenses militaires du Luxembourg. Cette feuille de route, dévoilée lors d’une conférence de presse ce mardi 29 avril 2025, est entre les mains du gouvernement.

Le cap est fixé, il est même chiffré: en ces temps de tensions géopolitiques marqués par la guerre en Ukraine, le Luxembourg prévoit une augmentation significative de ses dépenses militaires. Suivant la dynamique européenne de reconquête de souveraineté – rappelons que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dégainé le 4 mars 2025 le plan « ReArm Europe », assorti d’un budget massif de 800 milliards d’euros d’investissements – le Luxembourg s’engage à doubler son effort en matière de Défense. L’objectif est d’atteindre 1,461 milliard d’euros d’ici 2030, soit l’équivalent de 2 % du Revenu National Brut (RNB). Ce montant pourrait encore être revu à la hausse au regard des rapports de forces actuels (et sans doute à venir) qui rendent incertain le devenir sécuritaire du Vieux Continent.

C’est dans ce contexte que la Chambre de Commerce a constitué un Groupe de travail, composé de représentants d’entreprises et d’institutions actives dans le domaine de la défense. Ce mardi 29 avril, Philippe Glaesener, membre élu de la Chambre de Commerce, président de ce GT Défense et Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce, ont présenté une série de recommandations visant à construire « une base industrielle et technologique de Défense renforcée au Luxembourg ».

le président du GT Defense et le directeur général de la Chambre de Commerce ont dans leurs mains le document Lux4Defence
Philippe Glaesener, membre élu de la Chambre de Commerce, président de ce GT Défense et Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce, ont dévoilé le document stratégique Lux4Defence (crédit : Chaly Petit / Chambre de Commerce).

Au total, 10 recommandations ont été formulées pour esquisser l’architecture future des capacités militaires du pays. De manière générale, il est proposé aux décideurs politiques et investisseurs privés de miser sur des domaines de spécialisation bien définis. Élaboré sous la supervision du département Affaires économiques de la Chambre de Commerce, ce travail d’expertise encourage à envisager la Défense non plus comme « une contrainte budgétaire », mais comme « un véritable moteur d’innovation et de développement économique, observe Carlo Thelen. Le Luxembourg dispose d’atouts technologiques qui ne demandent qu’à être consolidés ».

Dans le détail, voici ces 10 recommandations complétées par les observations de leurs auteurs.

1. Développer une base industrielle et technologique de Défense autour de quelques spécialisations

Le Luxembourg ne pourra pas concurrencer les grandes puissances sur l’ensemble du spectre technologique militaire. Il doit donc adopter une stratégie de spécialisation intelligente, en s’appuyant sur ses forces existantes – cybersécurité, spatial, matériaux composites, logistique, équipements du soldat, etc. – pour se positionner sur des segments à fort potentiel dans les chaînes de valeur européennes et transatlantiques. « Le Luxembourg a des acteurs déjà actifs dans le domaine de la défense ou sur des secteurs à double usage, à savoir civil et militaire. Nous invitons le gouvernement à créer des écosystèmes autour de ces niches », expose Philippe Glaesener.

2. Créer une Task Force nationale de la Défense

La multiplication des acteurs ministériels et agences en charge d’initiatives nationales dans le domaine de la Défense nuit à l’efficacité de l’action publique. Une Task Force transversale, dotée de moyens et d’un mandat clair, permettrait de coordonner la stratégie, d’accélérer la prise de décision et d’assurer une continuité politique et industrielle. Elle serait le moteur de l’effort national. « Il s’agit d’upgrader le dispositif gouvernemental pour l’adapter aux nouveaux enjeux. Le Luxembourg va intensifier son effort de Défense : la structure gouvernementale doit se mettre à niveau pour mieux piloter cet effort », note Anthony Villeneuve, senior économiste à la Chambre de Commerce.

3. Créer un Hub de la Défense

Les PME et startups ont rarement les ressources pour répondre aux normes de sécurité ou d’habilitation du secteur Défense. Un hub sécurisé et mutualisé leur offrirait un environnement propice à l’expérimentation, la production et la collaboration, tout en rapprochant innovation, industrie et institutions. « Ce hub, c’est l’outil dont le Luxembourg a besoin pour lever les barrières à l’entrée qui existent dans ce secteur et pour faire du pays un territoire attractif pour les entreprises de la Défense », explique Christel Chatelain, Directrice des Affaires économiques à la Chambre de Commerce.

4. Améliorer le passage de la recherche au développement, avec des mécanismes adaptés

Malgré un bon niveau de recherche, le Luxembourg peine à franchir la fameuse « vallée de la mort » entre innovation scientifique et production industrielle. Il faut des mécanismes adaptés pour financer les étapes critiques de maturation en particulier dans un secteur où l’État est souvent le seul client. Il est notamment proposé de recourir aux pré-commandes commerciales ou de créer un crédit d’impôt recherche. « Ce que nous appelons R&D ne vaut économiquement que si le « D » suit rapidement le « R » », souligne Jil Brimaire, économiste à la Chambre de Commerce.

5. Créer une infrastructure nationale de test et de validation technologique à intégrer à un réseau européen, dotée de personnel et d’installations habilités

Pour valider les innovations dans le domaine de la Défense, il faut des installations hautement sécurisées permettant des essais scientifiques, techniques et opérationnels. Une telle infrastructure nationale, adossée à des réseaux européens, offrirait aux acteurs des facilités pour leurs projets de développement. « Il s’agit de garantir aux entreprises luxembourgeoises un accès à ces infrastructures, indispensables pour valider les différentes phases de développement », indique Anthony Villeneuve.

6. Créer une Marketplace recensant les produits et services proposés par les acteurs de la Défense

Trop d’innovations luxembourgeoises restent invisibles aux grands acheteurs de la Défense. Une plateforme numérique recensant les offres technologiques nationales – produits, services, compétences – permettrait de connecter efficacement les entreprises aux donneurs d’ordre. « En somme, il s’agirait d’une vitrine de ce que l’industrie luxembourgeoise pourrait produire et fournir comme solution », résume Philippe Glaesener.

7. Développer une politique d’offsets

Dans les contrats d’armement avec des fournisseurs étrangers, il est essentiel d’exiger des retombées industrielles locales – transferts technologiques, sous-traitance, investissements – pour renforcer l’écosystème luxembourgeois. Les offsets sont une pratique courante à l’international : il est temps de les structurer au Luxembourg. « Chaque euro dépensé hors du pays doit nous rapporter en compétence, en emploi et en innovation », estime Anthony Villeneuve.

8. Faire de l’Armée un acteur du projet industriel et technologique de Défense

Les forces armées doivent être associées dès la phase de conception des produits, non seulement comme utilisateurs finaux, mais comme partenaires de test et de co-développement. Cela garantit que les innovations répondent aux besoins réels du terrain et renforcent les liens entre technologie et doctrine militaire. « Mettre l’utilisateur final dans la boucle dès le départ est un vrai avantage. Le Luxembourg est un pays de circuit court, c’est une chance qu’il nous faut exploiter », note Christel Chatelain.

9. Orienter et anticiper les demandes capacitaires de l’Otan et de l’Union européenne

En s’impliquant en amont des demandes capacitaires formulées par l’Otan et l’Union européenne, le Luxembourg peut tenter d’orienter ces demandes vers ses spécialisations, mais aussi anticiper les nécessaires adaptations de son tissu économique. « Il s’agit d’agir le plus en amont possible et de peser dans les différentes instances décisionnelles, indique Anthony Villeneuve. C’est un travail de lobbying de long terme. »

10. Lever les restrictions légales au développement d’une industrie de Défense

La législation actuelle sur les armes et les activités sensibles entrave le développement d’une industrie nationale. « Il existe aujourd’hui un niveau d’insécurité juridique qui peut être dissuasif pour une entreprise de la Défense souhaitant s’implanter au Luxembourg. Il est urgent d’aligner le droit national sur les standards européens », résume Jil Brimaire.

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