Aujourd’hui, la question de se convertir – ou non – à l’e-commerce ne devrait plus se poser. Avec un volume de ventes en ligne en passe de franchir la barre des 4.300 milliards de dollars au niveau mondial en 2025, le commerce digital affiche une santé éclatante. La 6ᵉ édition de l’E-Forum, organisée par la Chambre de Commerce et sa House of Entrepreneurship – avec le soutien de la Luxembourg Retail Federation et conçue par Retis (agence spécialisée en e-commerce et marketing digital, ndlr) – a livré aux entreprises luxembourgeoises les clés pour tirer parti de cet essor, dont on ne perçoit, à ce jour, aucune limite. Aux côtés de panelistes experts en digitalisation et en internationalisation, plusieurs success stories luxembourgeoises ont dévoilé les coulisses de leur réussite. Leur message ? Essayer.
« Canal de ventes stratégique », « moteur d’innovation », « internationalisation », « infrastructure digitale », « mise en conformité avec le champ réglementaire », etc. Évoqués lors de la 6e édition de l’E-Forum, ces mécanismes et concepts peuvent paraître relativement intimidants pour celui qui hésite encore à s’aventurer sur la voie de l’e-commerce. « De nos jours, c’est pourtant très facile de créer un shop en ligne » : en une phrase, Jean-Charles Bernacconi a presque réalisé l’exploit de démystifier le commerce sur internet.
Keynote inspirant et rassurant, le cofondateur de la start-up Nutri-Bay – spécialisée dans la nutrition sportive – s’est employé à évangéliser l’assistance au potentiel vertigineux de la vente en ligne. À l’entendre, les voies du digital seraient loin d’être impénétrables : « Pour prendre un exemple, on peut déposer sa marque sur Amazon moyennant la somme de… 49 euros. Cela ne coûte plus rien de tester ses idées. » Et d’ajouter : « C’est très facile de s’intégrer à une marketplace, ce ne sont pas des usines à gaz. » Inutile également de nourrir des inquiétudes sur le volet transactionnel : « Toutes les plateformes embarquent des solutions de paiement universelles », rappelle-t-il. Letzshop ne fait pas exception.
La plateforme de commerce en ligne dédiée aux commerçants luxembourgeois constituerait un terrain d’expérimentation tout trouvé pour les acteurs locaux : « C’est une solution clé en main qui permet de tester ses produits au niveau national », a rappelé Laurent Lucius, business manager à la House of Entrepreneurship. Une solution qui pourrait parfaitement convenir aux nombreux entrepreneurs locaux encore dénués de vitrine numérique. Pour information, en 2024, (seuls) 44 % des commerces luxembourgeois disposaient d’une boutique en ligne…
« Amazon a détruit la valeur du transport »
[ Jean-Charles Bernacconi ]
Renforcer sa présence digitale en pilotant son propre shop online ne paraît pas beaucoup plus complexe. Du moins sur le plan purement technique. La réussite commerciale d’une telle entreprise requiert par contre une « stratégie bien définie », notamment pour contourner ce que Jean-Charles Bernacconi identifie comme « le point le plus bloquant ». À ses yeux, la difficulté réside dans la logistique. Et concerne plus précisément l’étape de la facturation de la livraison : « Amazon a détruit la valeur du transport, juge le chef d’entreprise. Aujourd’hui, on a du mal à faire accepter à un client de devoir payer pour ce service. » Transformer ce désavantage en une opportunité, « en adoptant par exemple un mode de livraison plus écologique », serait une piste à envisager selon Laurent Lucius.
Invité à partager son expérience, Joe Monteiro a rappelé qu’en matière d’e-commerce, la taille de l’entreprise compte peu, « les problèmes sont les mêmes pour tous ». Grand architecte de l’interface de vente digitale de La Provençale, il est parti d’une feuille blanche : « J’ai échoué et je me suis relevé. Et à l’avenir, j’échouerai encore et je me relèverai. » Son principal conseil pour réussir avec succès sa transition digitale : « Il faut créer quelque chose de simple et d’ergonomique. Le client veut passer sa commande facilement et rapidement. »
De son côté, Eric Hoffelinck n’occulte pas le facteur humain. Administrateur délégué de Vedi-Express, société spécialisée dans la vente de fournitures d’entreprise et l’impression personnalisée pour les professionnels, il met en avant la nécessité de personnaliser ses services : « L’e-commerce ne doit pas être perçu comme un écran protecteur entre le client et le vendeur. Cela ne fonctionne pas comme ça, nous sommes tous assoiffés de contacts humains. » Pour illustrer le propos, il se réfère à un exemple concret, et à première vue anodin : « Sur notre chatbot, nous avions placé le visage d’une jeune femme anonyme. Puis nous avons opté pour la photo de l’un de nos employés. À première vue, il n’avait pas le même potentiel attractif… Résultat : le nombre d’interactions a été multiplié par dix. » Cela traduirait, selon lui, un désir d’authenticité de la clientèle.
Un constat partagé par Joe Monteiro : « Mettre en avant des produits est une chose, mais les gens veulent une histoire ». Dans cet esprit, Jean-Charles Bernacconi invite à multiplier « les contenus originaux, à soigner le storytelling sur son site internet » sans pour autant négliger le travail de terrain. Véritable ambassadeur de Nutri-Bay, il n’hésite pas à se rendre à de grands événements sportifs, comme l’ING Night Marathon, pour doper la popularité de sa marque.
Ces témoignages le rappellent : le commerce physique et son pendant digital n’évoluent pas forcément dans des univers cloisonnés. Ils interagissent et permettent aux entreprises de se démarquer dans un secteur ultra-concurrentiel et particulièrement porteur sur la scène internationale. Car les chiffres l’attestent : 70 % des résidents luxembourgeois achètent en ligne au moins une fois par mois, et 40 % une fois par semaine. Sur Amazon, le panier moyen tourne autour de 25 à 30 euros, contre 80 euros sur Letzshop. Les habitudes de consommation digitale sont donc déjà bien ancrées.
Dans ce contexte, résister à l’appel de l’e-commerce serait contre-productif. Comme le dit si bien Jean-Charles Bernacconi : « Cela ne coûte plus rien de tester ses idées. »
