Perrard appartient au cercle restreint des entreprises plus que centenaires au Luxembourg. Bâtie sur des fondations solides, la société de construction traverse la crise du secteur sans trahir ce qui fait sa singularité et sa fierté : investir dans le capital humain et entretenir une culture d’entreprise familiale née en… 1900.
Un modèle de fidélité et d’engagement. Une histoire de famille, même, au sens large : « Mon oncle y travaillait déjà ». Entré chez Perrard il y a 27 ans comme jeune ingénieur civil, Alain Pütz a gravi les échelons jusqu’à devenir administrateur-délégué en 2013, incarnant la continuité et l’esprit maison. Capitaine d’un navire composé de presque 300 salariés, le dirigeant maintient à flot la devise de l’entreprise : « Construisons ensemble vos idées ». Rencontre avec un bâtisseur, garant de l’esprit familial d’une entreprise à taille humaine.
Elle se nourrit de plusieurs facteurs. Pour commencer, une culture d’entreprise qui repose, de longue date, sur la confiance accordée par la direction à ses collaborateurs. Nous voulons des équipes autonomes, des équipes qui ont le sens des responsabilités. Une gouvernance stable renforce cette longévité : elle rassure les salariés, fidélise les partenaires et préserve l’identité de l’entreprise. Avant que je ne prenne la direction de l’entreprise, seuls quatre dirigeants m’ont précédé, dont trois issus de la famille fondatrice. Perrard, c’est aussi une société qui fait consensus. Nous sommes réputés pour éviter toute forme de conflit. Une bonne réputation se construit sur la durée. Dans un pays comme le nôtre, dont on se plaît à dire qu’il est un village, tout peut aller très vite dans un sens comme dans l’autre… Enfin, je terminerai par le point le plus important : la qualité de nos prestations.

Oui, c’est un motif de fierté et cela a contribué à renforcer notre ancrage dans le pays. Après-guerre, la reconstruction du Luxembourg a été divisée par secteur. L’entreprise a hérité de la partie nord. Elle s’est notamment distinguée en construisant le centre militaire à Diekirch ou encore l’école primaire à Wiltz. Nous avons également édifié, dans cette ville, la tour qui rend hommage à la grève de 1942. Ces réalisations ont contribué à faire grandir la société.
J’évoquerais ce qui constitue, sans doute, une étape clé dans l’expansion de la société : la construction de la Tour européenne, dans les années 60, au Kirchberg. Un chantier énorme. Elle se trouve derrière la Philharmonie et abrite, aujourd’hui, le ministère de la Mobilité et – petit signe du destin au regard de notre secteur d’activité – des Travaux publics. Plus récemment, nous avons totalement rénové la place Guillaume II en remplaçant le pavage en pierre naturelle. Cela représente 12.000 m² de surface au sol. Un travail qualitatif sur un site emblématique. En matière d’ouvrage d’art, je citerais les constructions du château d’eau de Gasperich et le pont qui surplombe l’A3 à proximité de l’aire de Berchem – une opération d’envergure qui a nécessité de gros moyens logistiques pour la mise en place pendant la fermeture temporaire de l’autoroute. Côté bâtiment, notre siège édifié en un an (un temps record), les constructions du pôle d’échange multimodal du Kirchberg emprunté par des milliers de personnes chaque jour, de l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment (IFSB) à Bettembourg ou encore du siège administratif de Luxcontrol à Belval.
Il me semblait important et surtout prudent, de sortir de ce cadre trop « mono-client public » en ajoutant d’autres cordes à notre arc. Nous nous sommes ouverts au marché privé en créant un département tout corps d’état. Nous sommes également actifs dans le domaine de la promotion immobilière. À ce sujet, nous menons actuellement un gros projet de construction de 129 logements à Belval. Seule exception à cette diversification : les travaux pour particuliers, un métier à part que nous avons choisi de ne pas poursuivre pour l’instant.
Absolument pas. Le groupe a eu l’intelligence de conserver le nom historique de la société. Nous restons une entreprise luxembourgeoise avec une réelle autonomie. Nos partenaires, nos clients, nos salariés s’identifient à Perrard. C’est une marque qui parle dans le pays. Au-delà de l’image, nous partageons avec Eiffage une philosophie commune axée sur une dimension humaine. Avec ses quelque 80.000 salariés, le groupe français promeut l’actionnariat salarié. Ce système a été étendu au Luxembourg : désormais, deux tiers de notre effectif est actionnaire du groupe. Cela renforce le sentiment d’appartenance à l’entreprise.
On dirige le navire relativement bien à travers cette tempête… Même si nous avons enregistré ces deux dernières années une baisse de l’ordre de 10 à 15 % de notre chiffre d’affaires, j’ai la conviction profonde que l’activité va reprendre. Le secteur a perdu 5.000 emplois au terme de ces deux années de crise mais nous, de notre côté, nous n’avons procédé à aucun licenciement économique. Conserver nos effectifs est un choix fort car nous aurons besoin de ces forces vives. L’Etat maintient un niveau d’investissement très élevé car les besoins sont énormes du point de vue des infrastructures (travaux publics, chemins de fer, ouvrages d’art, etc.) À cela s’ajoute une croissance démographique soutenue de plus de 10.000 habitants par an combinée à une pénurie de logements. Toute l’économie en souffre, relancer la construction n’est plus une option, c’est une nécessité.
En ce qui concerne le recrutement des employés, comme les conducteurs de travaux par exemple, nous tirons profit de notre appartenance au groupe. Eiffage attire beaucoup de candidatures de stagiaires, certains sont orientés chez nous. Nous parvenons à en conserver quelques-uns dans nos effectifs. S’agissant des ouvriers, la meilleure publicité, ce sont eux qui la font entre eux. Nous nous efforçons de leur donner les meilleures conditions de travail possible : vestiaires, réfectoire, fourniture de vêtements de travail, équipements de sécurité, etc. Dans un secteur en crise, la stabilité renvoyée par notre société constitue un autre facteur d’attractivité. Nous versons, depuis toujours par exemple, les salaires en temps et en heure : cela peut paraître anodin, mais je peux vous assurer que ce n’est pas le cas partout…
Des valeurs de confiance, d’honnêteté, de qualité du travail. Et surtout, je souhaite favoriser la prise de décision. Bureaux d’études, architectes, clients: sur un projet, les interlocuteurs sont de plus en plus nombreux. Cela complique la prise de décision, mais il faut savoir la prendre. Pour cela, il est nécessaire de se poser les bonnes questions et de dialoguer, d’échanger, de profiter de l’expérience de collègues plus anciens. Et surtout, ne pas s’en remettre uniquement aux mails, ce réflexe qui appauvrit le dialogue.
Je suis convaincu que la société aura davantage d’envergure. Le monde de la construction devient toujours plus complexe avec toujours plus de contraintes et de normes, sans oublier les enjeux climatiques. Il paraît probable que nombre de petites structures vont fermer. De notre côté, nous comptons parmi les leaders dans notre domaine et nous prenons la bonne direction en investissant dans le capital humain.





