Äerd Lab, société créée en 2021 par Angelika Bocian-Jaworska, s’est spécialisée dans l’impression en 3D de briques de construction et d’éléments décoratifs en argile.
Le point fort d’Äerd Lab est d’avoir constitué une équipe de talents complémentaires en architecture, science des matériaux et design, pour proposer une gamme de beaux produits ayant des propriétés inédites. Présentation d’un Women Tech Business durable !
Je suis architecte de formation et je me suis toujours intéressée à la dimension durable. Pour compléter mon cursus, j’ai donc cherché une formation dans ce domaine précis et je l’ai trouvée à l’université du Lichtenstein. Là, la dimension durable était très présente mais l’enseignement de l’architecture en tant que tel était très traditionnel. Je suis ensuite partie suivre un semestre à Shanghai et là, c’était tout le contraire, l’architecture était ultra-moderne mais la dimension durable était quasi absente. J’ai eu envie de prendre le meilleur de ces deux types d’enseignement pour inventer mon propre style et imaginer des espaces conçus pour les humains. J’ai enfin mis une dernière touche à ma formation en étudiant les matériaux imprimés à l’Institute for Advanced Architecture of Catalonia, situé à Barcelone.
Mon mari a trouvé un travail ici, dans le secteur spatial, et je l’ai suivi. J’ai d’abord travaillé un an dans un cabinet d’architecture puis j’ai eu envie de créer ma propre structure. Je l’ai appelée Äerd Lab car Äerd signifie Terre en luxembourgeois et que c’est mon matériaux de base. J’ai commencé par produire de la vaisselle imprimée en 3D en argile, ce qui était précurseur il y a quatre ans quand j’ai démarré. Étant architecte, mon rêve était d’appliquer la technologie de l’impression 3D à l’architecture. Il y a deux ans, j’ai gagné le concours Circular by design Challenge organisé par Luxinnovation, avec une proposition de meubles fabriqués à partir de modules imprimés en argile. À ce moment-là, il fallait cuire les éléments imprimés pour leur donner leur rigidité et leur solidité. Or, la cuisson est une étape qui consomme énormément d’énergie. Ce procédé ne me semblait pas conforme à mon souhait de proposer des produits durables. J’ai donc fait des recherches pour trouver un additif qui, ajouté à l’argile, permet de solidifier celui-ci par un simple séchage sans cuisson. Et j’ai trouvé que la meilleure solution est d’ajouter de la poudre de coquille d’œuf, matière issue d’un déchet alimentaire qui se trouve facilement et en grande quantité au Luxembourg. Une fois le mélange idéal mis au point, j’ai eu l’idée de créer des briques standard prêtes à être assemblées pour créer des meubles (ceux-ci sont exposés au Pavillon luxembourgeois d’Osaka 2025 et sur le Luga, ndlr). Ensuite, le programme d’accélération Fit 4 Start de Luxinnovation, nous a encore donné un bon coup de pouce. Grâce à lui, nous avons réussi une belle levée de fonds, qui nous a permis d’acheter une plus grosse machine et d’embaucher. Actuellement, nous sommes six personnes au sein d’Äerd Lab, moi-même, deux ingénieures matériaux, une designer, un ingénieur mécanique junior et un responsable de laboratoire et de production.
Nous sommes aussi accompagnés par le Luxembourg City Incubator (LCI). Nous l’avons choisi car il nous a semblé très actif et avec une belle complémentarité des startups hébergées. Nous y avons un bureau, en complément de notre local principal de Hamm où se trouve notre atelier. Nous allons chaque semaine au LCI pour suivre le programme de mentoring, pour nous rapprocher de l’écosystème des startups du Luxembourg, nouer des contacts intéressants et ne pas être isolés. L’équipe du LCI est très disponible pour répondre à toute sorte de problèmes auxquels une startup peut être confrontée. L’avantage de faire partie de ce réseau est aussi de pouvoir participer à des délégations luxembourgeoises sur des salons internationaux inspirants comme, Smart City Expo, ChangeNOW ou Pollutec-Lyon.
La première chose est que l’impression 3D permet d’être très libre sur le design et les formes que nous voulons pour un objet. Nous avons donc la possibilité de personnaliser les productions à la demande de nos clients et la modélisation 3D nous permet en outre de prévisualiser le résultat.
De plus, nous utilisons la quantité exacte de matière nécessaire pour la fabrication d’un objet. Il n’y a ni déchets, ni chutes. Au contraire, nous utilisons comme matière première de l’argile issu de déchets de matériaux de construction. Nous sommes donc complètement dans une logique vertueuse d’économie circulaire, renforcée par le fait que nos briques peuvent s’assembler et se désassembler aussi facilement que des LEGO® et sont donc réutilisables.
Un autre avantage très appréciable de nos briques réside dans le fait qu’elles garantissent une très bonne isolation phonique. En effet, elles sont creuses et leur forme intérieure s’avère être un très bon isolant acoustique. Ces briques sont donc intéressantes pour concevoir les parois de pièces où cette isolation est nécessaire, comme dans des écoles de musique, des crèches, des lieux de travail, des restaurants etc. Le nombre d’application est potentiellement très important, surtout que nous pouvons ajouter une dimension esthétique là où elle est souvent absente des solutions existantes.
« L’impression 3D permet d’être très libre sur le design et les formes que nous voulons pour un objet. »
[ Angelika Bocian-Jaworska ]
La plupart sont des architectes d’intérieur ou des départements « finitions intérieures » de sociétés de construction. Nous proposons notre propre ligne de vaisselle, meubles et briques standards qui permettent un nombre important de combinaisons, mais nous pouvons étudier tout projet de réalisation sur mesure à la demande d’un client.
Les pure player en impression 3D d’éléments en argile sont assez rares à ma connaissance. Il en existe quelques-uns au Pays-Bas et en Espagne. Ailleurs, j’ai plutôt entendu parler d’impression 3D en béton. À l’origine de ces expériences, on trouve souvent des sociétés de construction qui développent des petites unités expérimentales.
Mes clients sont pour la plupart actifs dans la construction, secteur historiquement très masculin. Mais je pense que le challenge ne se situe pas à ce niveau-là. La principale difficulté consiste à aborder le marché avec une technologie nouvelle, de rupture. Il faut donc du temps pour la faire accepter et cela aurait été la même chose si j’avais été un homme. Il faut avant tout convaincre sur les avantages et le potentiel de la technologie que l’on défend. Là où il y a encore un frein par rapport à l’entrepreneuriat féminin concerne le financement. Seulement 2% des financements de startup vont vers des business créés par des femmes et on a parfois droit à des questions des investisseurs sur notre capacité à gérer un business qu’ils ne poseraient peut-être pas à un homme.
En revanche, je pense avoir une façon féminine d’aborder les produits. Je voudrais en effet utiliser toutes les possibilités de l’impression 3D pour proposer une touche créative et une approche de la décoration intérieure qui intègre systématiquement une dimension esthétique, qu’il s’agisse d’imaginer des objets, des meubles ou même des murs. D’ailleurs, j’ai remarqué que les clients intéressés par ces propositions sont souvent des femmes.
« Nos briques garantissent une très bonne isolation acoustique. »
[ Angelika Bocian- Jaworska ]
Oui, j’ai eu l’occasion de nouer plusieurs contacts intéressants. Des investisseurs et clients potentiels m’ont directement contacté, montrant un réel intérêt pour la solution Äerd Lab. Ces discussions sont prometteuses et pourraient déboucher sur des collaborations fructueuses.
Nous espérons une nouvelle levée de fonds pour pouvoir investir dans de nouvelles machines et monter la production à 300 briques par jour dans un premier temps. Nous allons continuer la recherche sur les matériaux pour rendre ceux-ci toujours plus résistants, notamment à des conditions de plein air. Il faut trouver les bons additifs pour que la matière reste assez liquide pour être imprimable tout en pouvant sécher naturellement rapidement. J’estime que nous sommes encore dans la phase de démonstration du potentiel de nos produits mais, à terme, je souhaiterais pouvoir vendre notre solution sous forme de licence pour attaquer les marchés internationaux. J’imagine que nous franchirons cette étape à un horizon de 5 à 10 ans. La phase de croissance que nous allons aborder est réputée délicate. Il faut renforcer sa visibilité, créer de la demande et acquérir des clients tout en faisant grandir les capacités de production à un rythme ni trop rapide, ni trop lent.