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Cultiver l’engagement et la motivation des collaborateurs
Trends

4 minute(s)

10 July 2025

Cultiver l’engagement et la motivation des collaborateurs

Equipe travaillant dans un bureau moderne, spacieux et lumineux.

(crédit: Envato)

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Dans un contexte de transformations profondes du monde du travail, l’engagement et la motivation des collaborateurs ne sont plus des notions accessoires. Ils deviennent des leviers essentiels de performance, de fidélisation et de résilience. Pourtant, les signaux de désengagement se multiplient. Comment les entreprises peuvent-elles agir concrètement pour inverser la tendance ?

Dans le contexte généralisé en Europe de pénurie de main d’œuvre, jamais il n’a autant été question dans les médias et les séminaires destinés aux managers de bien-être et de qualité de vie au travail. Et pourtant ! Les entreprises semblent peiner à répondre aux attentes de leurs salariés et à produire de la motivation et de l’engagement. Selon l’étude State of the global workplace 2025 publiée par Gallup en mai 2025 et citée par Nancy Thomas, directrice d’IMS, en introduction d’une table ronde consacrée à la motivation en entreprise le 12 juin dernier, seulement 8 % des salariés européens se disent engagés contre une moyenne mondiale un peu meilleure de 21%. Ce désengagement ronge les dynamiques collectives, fragilise les organisations et touche aussi les managers. Il est donc temps d’en comprendre les raisons et d’y remédier.

Pour les dirigeants, comprendre les nouvelles priorités permet de renforcer l’engagement et la performance, même en période d’incertitude.

Les attentes des collaborateurs évoluent rapidement, avec vraisemblablement un avant/après Covid 19, pandémie qui a rebattu les cartes des priorités des uns et des autres. La dernière enquête Randstad Workmonitor Pulse (juin 2025) révèle que 60 % des salariés préfèrent un emploi moins stressant à un salaire plus élevé. Dans l’édition 2024 de la même étude, on pouvait lire que 40% des salariés appartenant à la Gen Z ne se sentent pas compris par leur employeur. Le top 4 de leurs préoccupations, tel que révélé par l’étude Gen Z spotlight repport (Carson College of Business,2021) est 1) avoir un impact positif sur le monde, 2) l’ambition et le dynamisme, 3) avoir un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée, 4) travailler pour une entreprise dont les valeurs sont en accord avec les leurs. L’employabilité, la flexibilité horaire et l’alignement avec les valeurs de l’entreprise sont donc des critères décisifs. Pour les dirigeants, comprendre ces nouvelles priorités permet de renforcer l’engagement et la performance, même en période d’incertitude.

Engagement et motivation : deux notions complémentaires mais distinctes

La motivation est individuelle, souvent liée à des facteurs internes (intérêt pour la tâche, reconnaissance, autonomie). L’engagement, lui, est relationnel : il se construit dans l’interaction avec l’environnement de travail, les collègues, les valeurs de l’entreprise.

Un salarié motivé n’est pas nécessairement engagé. Mais un salarié engagé est souvent plus performant, plus fidèle et plus résilient. Il contribue activement à la dynamique collective, innove, et incarne les valeurs de l’organisation. L’engagement, qu’il se manifeste à l’égard de l’entreprise, de sa profession, de son équipe ou d’un projet, génère toujours des retombées positives.

Les leviers de l’engagement : ce qui compte vraiment aujourd’hui

Les recherches et témoignages convergent vers cinq grands leviers d’engagement, tel qu’exposé par Olivier Charbonnier, directeur du cabinet Dsides, lors d’un workshop RH le 4 juillet 2022, à l’invitation d’IMS :

  1. Le sens : les collaborateurs veulent comprendre pourquoi ils travaillent, pour quoi ils s’engagent. Le sens ne se décrète pas, il se construit, notamment par l’alignement entre les objectifs de l’entreprise et les valeurs personnelles des collaborateurs. Les managers quant à eux ont un rôle clé à jouer pour “traduire” les objectifs stratégiques en réalités concrètes et signifiantes. Ce sur quoi Pierre-Eric Sutter, psychologue-formateur en qualité de vie au travail, invité par IMS le 12 juin 2025 a insisté : « Pour s’engager il faut trouver le sens. Les entreprises fixent des objectifs depuis toujours mais il faut qu’elles donnent aussi leur signification, surtout dans une période perturbée. Les objectifs ne suffisent pas à donner du sens, surtout s’ils ne sont pas alignés avec les valeurs des gens. »
  2. La reconnaissance : celle-ci ne se limite pas à la rémunération. Et de moins en moins. Pierre Eric Sutter, en est convaincu : « Croire que l’argent est le principal moteur des gens est une erreur » et il rappelle que « jusque dans les années 70 niveau de revenus et bien-être sont corrélés mais ensuite, dans nos sociétés, le niveau de vie a continué d’augmenter alors que la courbe du bien-être a commencé à reculer. Aujourd’hui, et peut être encore davantage au Luxembourg où les niveaux de revenus sont élevés, l’euro supplémentaire n’a plus aucun effet sur la motivation. »  La reconnaissance doit se concrétiser par des feedbacks réguliers, la valorisation des efforts, la reconnaissance de l’identité des individus. Les salariés veulent être vus pour ce qu’ils font, mais aussi pour ce qu’ils sont. Ici on aborde l’un des thèmes de Marcus Muller, scientifique de la motivation au travail, présent à la même table ronde explique qu’« il existe deux types de salaire, le salaire financier et le salaire émotionnel. Or nous sommes des êtres émotionnels. Sur ce point, former les managers à une communication de qualité avec leurs équipes parait essentiel. »

 

«Qu’est ce qui donne de l’énergie aux collaborateurs ? Qu’est ce qui leur en enlève?»

[ Olivier Charbonier, directeur du cabinet Dsides ]

  1. L’autonomie et le pouvoir d’agir : selon l’étude Randstad déjà citée, 61% des millenials et 60 % des membres de la Génération Z préfèrent l’autonomie en termes de temps à la rémunération, au moment de choisir un emploi. L’empowerment s’avère donc un moteur puissant, surtout pour les jeunes générations. Il passe par la simplification des processus, l’accès aux ressources utiles, et la participation aux décisions. Les environnements “capacitants” permettent aux talents de s’exprimer pleinement. Olivier Charbonier insiste ainsi sur les ressources à fournir aux employés « il ne sert à rien de toujours fournir de nouveaux outils avant de s’être assuré que les ressources disponibles sont visibles, accessibles, utiles et utilisables par tous. » De son côté, Pierre-Eric Sutter, insiste sur l’importance de « laisser du jeu dans les rouages. Que les managers puissent adapter le discours de la direction générale aux réalités du terrain et de leur équipe. Ce faisant, ils donnent du sens, du même coup, à eux-mêmes et aux personnes qu’ils encadrent. Les individus ont des aspirations différentes. Il faut en tenir compte et adapter le narratif pour que chacun y trouve son compte. ». Marcus Muller renchérit en plaidant pour les modèles libérés : « La nature humaine est merveilleuse. Il faut lui faire confiance et ne pas partir du principe que les personnes sont paresseuses et ne demandent qu’à faire le moins possible. »
  2. Le bien-être et le plaisir : l’atmosphère de travail, la possibilité de rire, de se détendre, de se former de manière ludique, sont des éléments de plus en plus valorisés. Le plaisir au travail devient un facteur d’engagement à part entière. Pour en parler Marcus Muller utilise l’analogie avec les plantes : « Prenez une plante en pleine santé et mettez là dans le noir avec très peu d’eau, elle ne mettra pas longtemps à dépérir. Or ce n’est pas la faute de la plante mais celle du jardinier. Il en est de même pour les employés. Ceux-ci peuvent être les meilleurs possibles mais s’ils ne trouvent pas dans leur environnement de travail de quoi s’épanouir, ils ne seront pas performants. Et cela est de la responsabilité de l’entreprise et non pas de la leur. » Olivier Charbonier conseille de s’interroger : « Qu’est ce qui donne de l’énergie aux collaborateurs ? Qu’est ce qui leur en enlève ? »  Mais aussi, « Qu’est ce qui est faisable dans mon entreprise ? Et qu’est ce qui aura le plus d’impact ? »
  3. La socialisation : Le lien aux autres, la qualité des relations, la fréquence des interactions, sont essentiels. Créer des communautés d’intérêt ou d’expertise, organiser des temps de rencontre, favorise la cognition sociale et renforce l’engagement. Une bonne idée suggérée par Pierre-Eric Sutter : organiser des cafés philo à l’heure du déjeuner et faire parler les gens sur le sens du travail. Cela a un effet toujours très positif sur l’engagement mais aussi sur la santé mentale des équipes.

De nombreuses petites entreprises témoignent régulièrement d’un gain d’engament des collaborateurs et d’une meilleure rétention des talents en cas de politique RSE inscrite dans la culture d’entreprise.

La RSE comme moteur d’engagement

Il est un domaine qui peut à la fois constituer un bon levier d’engagement et pour lequel l’engagement des collaborateurs est une garantie de réussite : la politique de RSE de l’entreprise. Ce sujet a fait l’objet d’un webinaire organisé par la House of Sustainability le 3 juin 2025, avec la participation de plusieurs entreprises ayant accepté de partager leurs best practices dans ce domaine. Pour introduire le sujet, Ebru Carter, Strategic Advisor pour la société de conseil TrAxxion, a rappelé combien l’ancrage humain est fondamental pour assurer la cohérence et l’impact d’une stratégie ESG, ainsi que pour motiver et fidéliser les collaborateurs. Elle a donné notamment l’exemple de la société américaine Patagonia qui, grâce à sa politique engagée a atteint un taux de fidélisation de ses salariés de 90% et a vu sa productivité augmenter de 20%. Après cette introduction, BGL BNP Paribas a partagé ses bonnes pratiques pour faire du projet RSE, une véritable culture d’entreprise engageante. Dans cette banque, le déclencheur a été l’accord de Paris pour le climat en 2015. À la suite de cet événement, le CEO s’est engagé personnellement et la Direction a identifié trois piliers sur lesquels agir collectivement : le climat, la biodiversité et la justice sociale par le biais de l’inclusion financière. Dès lors, un département Company Engagement a été créé, un responsable recruté et la politique RSE a commencé à infuser dans toutes les composantes de l’entreprises, via la formation d’impact pionneers, de projets soutenus par le Comex, d’inscription dans le plan stratégique de l’entreprise, de conférences dispensées par des top speakers (glaciologues, membres du GIEC…) et grâce à la création d’une sustainability academy interne pour l’ensemble des 180.000 employés du groupe. Cette dernière initiative est particulièrement notable avec des briques de formation communes à tous, disponibles en 10 langues et d’autres plus adaptées à chaque métier, avec leurs propres supporters et une autonomie laissée pour l’organisation.

L’INDR, dont un représentant était présent au webinaire de la House of Sustainability, a rapporté que de nombreuses petites entreprises témoignent régulièrement d’un gain d’engament des collaborateurs et d’une meilleure rétention des talents en cas de politique RSE inscrite dans la culture d’entreprise.

L’engagement ne se commande pas, il se cultive. Dans un monde du travail en mutation, les entreprises qui sauront créer les conditions de l’engagement seront les plus attractives, les plus performantes et les plus résilientes. Il ne s’agit pas d’un luxe, mais d’un choix stratégique. Investir dans l’humain, c’est investir dans l’avenir.

Pour aller plus loin sur les attentes de la génération Z

Vous pouvez consulter le guide  Génération Z, comment attirer, intégrer et retenir les jeunes dans les entreprises ?

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