Ces dernières années, le concept des fermes urbaines a séduit de plus en plus de villes. Plusieurs expériences ont fait leur preuve à l’étranger. Le Luxembourg s’y met également et, à la faveur de la manifestation LUGA (Luxembourg Urban Garden, 7 mai-18 octobre 2025), accueille une nouvelle initiative, à grande échelle, au Kirchberg.
Dans un monde où l’urbanisation croissante et les préoccupations environnementales sont au cœur des débats, les fermes urbaines émergent comme une solution innovante et durable. Ces espaces verts atypiques sont d’abord nés en Asie, dans la ville-état de Singapour. New-York a suivi avant que la tendance ne se retrouve sur tous les continents. Ces « fermes » se développent sur les toits, dans des cours, des jardins partagés ou tout autre espace public et sont parfois couplées à un marché ou liées à un ou plusieurs restaurants. Généralement la production est constituée de fruits et légumes et/ou de petit élevage (poulets, lapins, abeilles, voire cochons, chèvres, brebis…) ou même de poissons (Aquaponie).
Les fermes urbaines ne se contentent pas de fournir des produits agricoles ; elles jouent également un rôle éducatif et social. Elles sensibilisent les citadins à l’importance de l’agriculture durable, offrent des opportunités de bénévolat et de formation, et créent des espaces de rencontre et de partage au sein des communautés. En reconnectant les habitants des villes avec la nature et les cycles de production alimentaire, les fermes urbaines favorisent une prise de conscience écologique et un mode de vie plus sain. Le public est plus conscient de ces enjeux depuis la crise de la covid 19.

Le fait de s’installer en ville crée néanmoins quelques contraintes à prendre en compte pour tout projet : la pollution des villes étant une réalité, il faudra éviter de s’installer aux abords de certains sites industriels. La logistique en ville (trafic, peu d’espaces de stationnement…) est aussi souvent plus compliquée qu’à la campagne.
Les fermes urbaines favorisent une prise de conscience écologique et un mode de vie plus sain.
Au Luxembourg, plusieurs initiatives existent, que ce soit la multiplication des jardins communautaires partagés – cinq sur le territoire de Luxembourg ville– la création en 2014 du centre agro-écologique Terra qui vend ses produits sur abonnement, l’apiculteur Hunneg Këscht qui produit son miel en ville et propose l’installation de ruches sur les toitures ou encore Fësch Haff qui a introduit l’aquaponie au Luxembourg.
Le dernier développement en date a trouvé son terrain de jeu au Kirchberg.
Une ferme en bordure du quartier d’affaires
C’est une histoire d’amis qui décident de s’engager pour une agriculture saine, durable et locale et de ramener l’agriculture au cœur des villes. Mêlant les approches traditionnelles, telles que le maraîchage et l’agroforesterie, avec des techniques innovantes comme la bioponie (culture de plantes hors sol), Aurel & Axel vise à fournir une variété étendue de fruits et légumes toute l’année, sans générer de déchets.

Après un lancement réussi en France (120 restaurants sont livrés chaque semaine) et une première expérience luxembourgeoise en 2023 sur le toit du bâtiment du Conseil pour le Développement Économique de la Construction (CDEC) à Bettembourg, les associés de Aurel & Axel passent à la vitesse supérieure avec leur nouveau projet s’étendant sur environ 20.000 m2 (maraîchage, vergers et serres) au Kirchberg. Ce projet a été initié par le Fonds Kirchberg, dans le cadre de l’aménagement des futurs quartiers Laangfur et Kuebebierg respectant le principe des courtes distances. La jeune entreprise y met l’accent sur les produits saisonniers, économes en eau et adaptés au terrain. Ils proposent également des services communautaires tels que la vente de produits, une petite restauration sur place ainsi que des échanges pédagogiques et des conseils de jardinage.
3 questions à Britta Jaegde et Dario Castoldi, associés de Aurel & Axel :
Quelle est la spécificité du projet que vous développez au Kirchberg ?
D’habitude, nous cherchons des terrains dans des quartiers de ville déjà existants. Ici, nous avons la chance d’arriver sur un projet où le quartier n’est pas encore sorti de terre. En quelque sorte, notre ferme en sera le cœur et le quartier sera construit autour. Et pour nous, ce projet tombe à pic, au moment où nous avons acquis assez d’expérience pour nous lancer sur un projet d’ampleur. La surface qui nous est allouée est en effet très importante pour un centre-ville de capitale européenne. Nous avons le souhait d’inspirer d’autres villes avec ce modèle car les populations urbaines croient très rapidement et la production de produits alimentaires en cœur de ville sera bientôt une solution incontournable.
Qui pourra bénéficier des produits de la ferme ?
Dans une logique de consommation locale, nous proposons nos produits aux habitants actuels du Kirchberg et aux nombreuses sociétés du plateau, sous forme de paniers ou de box contenant un assortiment de fruits, légumes ainsi que des œufs de nos poules. Ensuite, quand le quartier sera construit, les produits seront destinés en priorité à ses habitants selon le principe « buy locally, consume locally » !
Est-il possible de développer des fermes urbaines sur les toits des entreprises ?
Oui bien sûr, cela se fait beaucoup à Paris par exemple. Au Luxembourg, il y a l’exemple de notre première ferme à Bettembourg. Il suffit de disposer d’un toit plat permettant l’installation de bacs hors sol où cultiver des herbes et des petits fruits et légumes. L’entreprise peut ensuite utiliser ces produits pour la préparation de repas spéciaux de team building ou d’opérations de sensibilisation. Notre conseil est cependant de respecter la biodiversité locale. Ne pas essayer d’acclimater des espèces non locales car cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur le reste de l’écosystème naturel.