Après la crise de la Covid 19 qui avait mis un sérieux coup de frein aux voyages et déplacements professionnels, les chiffres de ce secteur traduisent une reprise marquée au niveau européen, pour atteindre des niveaux supérieurs à ceux de la période pré-pandémie. Le bon moment pour s’intéresser aux tendances du tourisme d’affaires.
En 2024, le marché européen des voyages d’affaires était évalué à 65,9 milliards d’euros, en augmentation constante depuis 2021 selon le rapport Business Travel Index Outlook de la Global Business Travel Association (GBTA). Certains analystes estiment que ce chiffre devrait plus que doubler à l’horizon 2030. « Peu de gens savent que 70% des transactions aériennes correspondent à des voyages d’affaires » explique Gianni Pietrangelo, CEO de Travel Pro, société spécialisée dans les voyages et événements professionnels. « Les entreprises doivent se déplacer pour aller à la rencontre de leurs fournisseurs, clients et partenaires internationaux. La mobilité est le nerf de la guerre ». D’après une enquête réalisée par un éditeur de logiciels spécialisés, 90% des entreprises estiment que les voyages sont indispensables à leur croissance. Concernant les événements professionnels, la croissance observée récemment a été tirée par la nécessité de rassembler à nouveau les gens après la période difficile de la Covid, de recréer du lien et de contrer un certain désengagement professionnel en redonnant du sens au collectif.

Pour les territoires qui accueillent des événements ou des déplacements professionnels, les retombées sont loin d’être neutres. Un voyageur en visite pour affaires génère jusqu’à 3 à 5 fois plus de dépenses sur place (hébergement, restauration, mobilité, activités) qu’un voyageur de loisir.
Le Luxembourg, terre d’accueil de séminaires ?
Le secteur MICE (Meetings, Incentives, Conferences, Exhibitions) est l’un des secteurs que le Gouvernement souhaite développer, notamment en investissant dans les infrastructures dédiées, en favorisant les investissements d’acteurs nationaux et internationaux et en promouvant dans le reste du monde la destination Luxembourg auprès des organisateurs d’événements, mission confiée au Luxembourg convention bureau, créé en 2019 par la Ville de Luxembourg et le ministère de l’Économie. Le pays, classé 60e, vise d’intégrer le top 50 du classement de l’International Congress and Convention Association, baromètre annuel qui classe les villes et pays en fonction du nombre de congrès internationaux qu’ils accueillent et indicateur clé pour évaluer la performance des destinations dans le domaine du tourisme d’affaires international. La volonté est de favoriser les événements innovants, durables et à fort contenu.
En 2024, 9.150 événements professionnels ont été organisés au Luxembourg, totalisant plus de 240.000 visiteurs. La majorité des événements sont organisés pour les secteurs historiquement associés au Luxembourg, la finance et le droit, mais aussi de plus en plus pour des secteurs en lien avec les nouvelles technologies (innovation, recherche, IT et cybersécurité, spatial…). Le succès de l’événement NEXUS 2025 qui a rassemblé 8.500 visiteurs en juin dernier montre ainsi que le Luxembourg commence à compter sur la carte et dans l’agenda du monde de la tech.
Répartition des événements MICE au Luxembourg en 2024
- Meetings (réunions, conférences, séminaires) : 37% (-11% entre 2023 et 2024)
- Incentive (événements de motivation) : 14% (+6%)
- Conferences (congrès, conventions) : 37% (+9%)
- Exhibitions (événements commerciaux, expositions) : 8% (-4%)
Source : LFT/LCB Business Events survey
Le pays bénéficie de nombreux avantages : son accessibilité et sa localisation centrale en Europe, à moins de 2 heures d’avion de la plupart des grandes villes européennes, « perçu comme un véritable atout pour les clients de ces villes qui veulent diversifier leurs destinations MICE » constate Gianni Pietrangelo ; son multiculturalisme et son multilinguisme, pratiques pour recevoir des groupes internationaux et faire en sorte que ceux-ci se sentent compris. Même la taille du pays est perçue comme un avantage tant il y est facile de rallier un lieu de loisir ou d’activité depuis un lieu de réunion ou de congrès et de combiner business, culture et nature dans un même séjour.
Il existe cependant quelques axes d’amélioration pour que le Luxembourg soit encore plus attractif pour les congrès internationaux. La capacité hôtelière de 7.000 chambres dont 2.500 à Luxembourg-ville (chiffres 2024) s’avérait jusque-là insuffisante, surtout durant les mois « d’avril, juin et octobre, les plus demandés pour les congrès d’affaires qui sont aussi les mois des conseils de l’Unions européenne, qui engendrent une grosse demande de nuitées » constatait Morgan Gromy, CEO de LuxExpo The Box, dans une interview accordée à Merkur au printemps 2024. Depuis cette interview, plusieurs nouvelles adresses hôtelières ont modifié la donne dans le bon sens.
Principales nouvelles capacités hôtelières du Luxembourg
- Château de Schengen : 30 chambres
- Moxy Luxembourg Airport : 130 chambres
- Villa Pétrusse : 22 chambres
- Marriot hôtel Alfa : 153 chambres
- BnB hôtel Cloche d’Or : 150 chambres
- Anatura (Wäiswampach) : 90 chambres
- XNOTO (centre GRIDX – Wickrange) : 133 chambres
- Hôtel des Postes (ouverture mi-2026) : 90 chambres
Gianni Pietrangelo confie un autre axe d’amélioration, surtout si l’on considère que la ville de Luxembourg, où se concentrent la plupart des lieux de congrès et des capacités d’hébergement, est en concurrence avec d’autres destinations business : « il manque un côté vibrant et vivant. Quand les hôtes sortent des lieux de congrès, ils aimeraient pouvoir faire du shopping ou se balader en ville mais celle-ci se vide assez tôt et les commerces ferment également trop tôt pour présenter un visage vivant et attractif. Or, cette clientèle est prête à dépenser. C’est un peu dommage, il faudrait inciter à plus d’animation en ville pour pouvoir concurrencer les autres capitales. Les jours fériés tout est fermé mais si l’on veut retenir les congressistes pour un long weekend, il faudrait changer cela. Je constate également que certaines réglementations contraignantes, nous empêchent de concevoir des événements un peu hors norme pour lesquels il y a de la demande. ».
Les top tendances du secteur : à quoi s’attendre ?
Les principales tendances qui influencent le plus l’organisation des événements et voyages professionnels sont : la rationalisation des budgets, la recherche de durabilité, la personnalisation et la généralisation des outils digitaux.
- L’optimisation des budgets : si la reprise des événements et déplacements professionnels est bien réelle, elle s’accompagne d’une plus grande attention portée aux dépenses. Les tarifs aériens ont tendance à augmenter et à être volatils du fait des politiques de « dynamic pricing » des compagnies (stratégie commerciale qui consiste à ajuster les prix en temps réel en fonction de l’évolution du marché, de la demande et des prix pratiqués par la concurrence, ndlr) et des contraintes géopolitiques qui pèsent sur elles et les obligent parfois à rallonger les plans de vol d’une heure ou deux pour éviter les zones de conflits. Gianni Pietrangelo confirme que « la pression sur les coûts est particulièrement ressentie par les sociétés dont les salariés voyagent beaucoup. Certains déplacements ont été remplacés par des visio-conférences. La quantité des déplacements a laissé place à une exigence de qualité et de bon rapport qualité/prix. » Chaque projet de voyage est désormais évalué en fonction de sa réelle utilité et de son retour sur investissement. Gianni Pietrangelo poursuit en indiquant que « de plus en plus de clients demandent d’identifier très précisément les postes de dépense, de les mesurer et de les optimiser. Il faut pouvoir les accompagner sur chaque négociation avec les différents prestataires. Pour nous, l’aspect ‘coût’ est à mettre en regard de l’aspect ‘sécurité’. Nous encourageons les entreprises à définir précisément leur politique de voyage en tenant compte de ces aspects.»
- La durabilité : cet aspect des voyages est véritablement devenu stratégique. Selon une étude de McKinsey, 67% des entreprises européennes prévoient de réduire leurs déplacements d’ici 2030 pour des raisons écologiques et selon une enquête de la BTA (Business Travel Association), 76% des organisateurs de voyages priorisent la durabilité lors de l’élaboration de leurs programmes. Les politiques de déplacement intègrent cette dimension en préconisant par exemple de privilégier le train plutôt que l’avion pour les trajets courts (moins de 4 heures) ou de choisir des prestataires éco-responsables comme des hôtels éco-labellisés ou des compagnies de transport qui compensent leurs émissions de CO2. « Dans nos offres, que ce soit pour un voyage ou un événement, nous intégrons désormais systématiquement le calcul du bilan carbone. Ainsi les clients peuvent faire des arbitrages en connaissance de cause » illustre le dirigeant de Travel Pro.

- La flexibilité, la personnalisation et le bien-être de celui qui voyage : Les entreprises qui commandent des voyages sont demandeuses de souplesse et d’adaptabilité pour pouvoir s’adapter aux imprévus de dernières minutes. Dans le contexte de pénurie de main d’œuvre et de désengagement des salariés observable depuis la crise Covid, les entreprises souhaitent souvent offrir à leurs collaborateurs la possibilité de prolonger leurs séjours professionnels par des jours de congé personnels. C’est ce qu’on appelle le bleisure (contraction de business et leisure, ndlr). Elles souhaitent donc que cette possibilité soit prévue dès la réservation. De plus, les voyages des employés doivent être le plus fluide possible, car les déplacements sont dorénavant davantage vécus comme une contrainte que comme un avantage. « Les outils numériques nous permettent de garder en mémoire les préférences des uns et des autres, d’un voyage à l’autre -ces données sont cryptées dans le respect du RGDP- et de pouvoir proposer des expériences personnalisées. De plus, pour atténuer le stress des voyages, nous allons lancer prochainement une application qui accompagnera le voyageur de bout en bout el le notifiera en temps réel du moindre soucis (retards etc.) avec des solutions et des conseils géolocalisés » annonce Gianni Pietrangelo.
- La digitalisation : les outils digitaux, analyse de données et intelligence artificielle en tête, facilitent la personnalisation des expériences de voyages, la conformité aux politiques de déplacement définies par les entreprises (qui a droit à quoi…), la connaissance des formalités d’entrée dans les pays ainsi que le calcul de l’impact environnemental des déplacements et séjours. Gianni Pietrangelo insiste sur les avantages à les adopter : « l’IA est un cheval lancé au galop. Nous avons intérêt à monter dessus, à le dompter et à utiliser ses capacités. L’IA nous aide beaucoup par exemple pour anticiper les besoins des clients dont nous connaissons déjà les préférences et à aller beaucoup plus vite dans nos recherches d’informations sur les destinations, mais elle ne remplace pas l’expertise des consultants qui connaissent le terrain et savent détecter quand une information n’est pas à jour. » Il ajoute : « nous utilisons tous les outils à notre disposition pour bâtir les meilleures offres possibles. Les clients savent aussi utiliser les outils numériques, nous devons donc être encore mieux informés et outillés qu’eux tout en ajoutant la touche humaine qui fera la différence. »






