Face à une situation sécuritaire mondiale préoccupante, le Luxembourg prévoit d’investir massivement dans des projets liés à la Défense ces prochaines années. Président du Groupe de travail de la Chambre de Commerce à l’origine du rapport Lux4Defence, Philippe Glaesener recommande de miser, dans un premier temps, sur des domaines d’expertise nationaux. Et surtout, « d’agir vite ».
Ce travail de fond nous a permis de prendre la mesure de l’enthousiasme du tissu industriel luxembourgeois pour les projets liés aux enjeux sécuritaires. Dans un premier temps, nous nous sommes attachés à dresser un état des lieux complet du secteur : identifier les acteurs impliqués dans la Défense, faire le point sur la recherche et le développement, cerner les attentes des organisations internationales, etc. Nous nous sommes également inspirés de modèles étrangers. Certaines de ces structures gouvernementales sont engagées de longue date dans cette voie ; il était essentiel d’étudier et de discuter de leurs débuts afin d’éviter la reproduction de leurs erreurs. Ces interactions ont guidé nos réflexions et permis de formuler un catalogue de recommandations. L’objectif est clair : générer un retour économique significatif. En d’autres termes, une partie de ce volume d’investissement sans précédent dans la Défense doit bénéficier directement à nos entreprises.
Oui, nous disposons de réelles compétences. Dans certains domaines, le Luxembourg bénéficie même d’une reconnaissance européenne, voire mondiale. Je pense au secteur spatial, à l’IA Factory ou encore aux activités liées à la cybersécurité. Moins connues du grand public, certaines entreprises luxembourgeoises fournissent des microcomposants à de grands acteurs internationaux du matériel militaire. Nous sommes également présents sur le marché de l’équipement individuel du soldat, notamment avec la fabrication de lunettes à vision nocturne destinées à l’export. Bref, nous avons déjà une base solide sur laquelle construire. Autre point fort : la recherche et le développement. D’excellents projets à vocation militaire sont actuellement en phase d’étude. Il faut les accompagner et les orienter vers la production. Enfin — et notre histoire le prouve — le Luxembourg a démontré sa capacité à prendre des décisions rapidement.

L’urgence est géopolitique. Elle est dictée par l’OTAN et les instances européennes de sécurité. Il est prioritaire de renforcer nos capacités de Défense dans les deux à trois années à venir. La proximité de ces échéances impose une prise de décision dès cette année. Nous attendons du gouvernement qu’il agisse d’ici fin 2025. L’orientation des allocations budgétaires est cruciale pour permettre à l’industrie de savoir où concentrer ses efforts.
J’en retiens trois. La première consiste à identifier et valoriser nos spécificités. Le gouvernement doit définir des projets stratégiques à partir des compétences existantes. Un programme encore au stade de la recherche nécessiterait au moins trois ans avant de passer en production. Il faut donc activement accompagner ces initiatives, mais en parallèle la priorité doit être donnée aux domaines dans lesquels nous sommes déjà performants.
La deuxième recommandation concerne la création d’un hub national de la Défense. Les entreprises ont besoin d’un site sécurisé pour développer des projets requérant certains niveaux de classification plus élevés.
Enfin, nous suggérons de rendre la loi sur les armes moins restrictive. Notre législation, qui interdit notamment la production et la circulation d’armes sur le territoire, doit être harmonisée avec celle des autres pays pour maintenir notre compétitivité.
Non, je crois fermement en notre potentiel, y compris en matière de systèmes de communication sécurisée par satellite, qui permettent un niveau élevé d’interopérabilité et de collaboration pour la Défense. Nous n’avons pas vocation à construire des chars ou des avions de chasse. Mais la Défense, ce n’est pas que cela. Nous avons un rôle à jouer dans des domaines comme le spatial, les data centers, etc. À l’exception de quelques nations — comme la France — qui interviennent sur tous les fronts en accord avec leur doctrine militaire, nous devons développer des réseaux de compétences et conclure des accords de coopération. Il serait contre-productif que chaque allié produise les mêmes systèmes de Défense : nous devons être complémentaires et résilients, mais aussi très innovants.
Les retombées sont très encourageantes, elles dépassent même certaines de nos espérances. Entre l’élection de Trump et les nouvelles orientations budgétaires de l’OTAN, il était indispensable d’accélérer le processus pour finaliser nos recommandations fin février, début mars. À présent, nous savons que le rapport circule au sein des ministères. Il est primordial que le gouvernement dévoile rapidement ses intentions. En fixant un cap, la base industrielle pourra se mobiliser.
La Place financière luxembourgeoise a un rôle clé à jouer pour mobiliser les financements. Ce rôle est défini dans le rapport. Tout comme celui de l’association nationale regroupant les entreprises du secteur Défense. La création de LuxDefence ASBL, annoncée publiquement lors du Salon du Bourget, figurait sur notre feuille de route. C’est une grande satisfaction de voir que notre travail porte ses fruits. Mais il faut continuer à avancer…
Oui, vite. il y a urgence…





