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Laurence Tubiana, diplomate du climat et conscience européenne de la transition énergétique
The economy

4 minute(s)

25 June 2025

Laurence Tubiana, diplomate du climat et conscience européenne de la transition énergétique

laurence tubiana pose les bras croisés

La conférence de Laurence Tubiana, surnommée « Madame Climat », constituera l'un des temps forts de l'événement organisé le 16 septembre prochain par la Chambre de Commerce.

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Auteur Paul Didier / Affaires économiques, Chambre de Commerce

Le 16 septembre prochain, à l’occasion du grand forum économique de rentrée « It’s the economy, stupid! », la Chambre de Commerce accueillera l’une des figures majeures de la scène climatique internationale. Laurence Tubiana, économiste, diplomate, universitaire et infatigable artisane du dialogue entre science, politique et société civile, interviendra à l’occasion d’une conférence sur la transition énergétique. Une prise de parole attendue, tant son parcours, son influence et son regard critique font autorité. Derrière une voix douce et un calme apparent, se cache l’une des négociatrices les plus redoutables et respectées des dernières décennies.

Une trajectoire entre institutions, recherche et engagements

Née à Oran en 1951, Laurence Tubiana arrive en France à l’âge de 11 ans. Diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, docteure en économie, elle commence sa carrière à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) aux côtés de Lionel Jospin, dont elle devient plus tard conseillère à Matignon. Elle fonde l’ONG Solagral dans les années 1980, pour renforcer la circulation des savoirs entre pays du Nord et du Sud, avant de créer en 2001 l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui deviendra l’un des think tanks européens les plus influents sur les politiques climatiques et environnementales.
Parallèlement, elle mène une carrière académique à Sciences Po et à l’Université de Columbia, sans jamais renoncer à son ancrage dans la société civile. C’est cette posture hybride — rigoureuse mais accessible, intellectuelle mais pragmatique — qui la rend à la fois écoutée dans les arènes diplomatiques et respectée des ONG.

L’architecte de l’Accord de Paris sur le climat

C’est en 2014, comme ambassadrice en charge des négociations climatiques, qu’elle entre dans l’histoire. À la COP21, elle joue un rôle clé, dans l’ombre du Ministre français Laurent Fabius, pour bâtir l’Accord de Paris. Deux ans de travail patient, à tisser des liens avec toutes les délégations, à désamorcer les tensions, à construire une dynamique d’adhésion sans imposer : « Il n’y avait pas d’agenda caché, j’étais transparente », dira-t-elle plus tard. Son objectif : faire en sorte que chaque pays, quel que soit son niveau de développement ou sa stratégie énergétique, s’engage à réduire ses émissions.
Son style tranche avec celui des négociateurs classiques : baskets aux pieds, voix feutrée, mais conviction inébranlable. Elle impressionne par sa capacité à « faire que les planètes s’alignent », selon ses propres mots. En décembre 2015, les 195 États signent l’accord le plus ambitieux jamais conclu sur le climat. Ce succès international consacre son autorité, et lui vaut le surnom de « Madame Climat ».

Une influence durable, au-delà des sommets

Depuis 2017, elle dirige la Fondation européenne pour le climat, qu’elle a contribué à hisser au premier rang des acteurs de la transition. À travers elle, plus de 700 organisations européennes bénéficient de financements, de soutien stratégique et d’un réseau international.
Laurence Tubiana ne se limite pas à l’action institutionnelle : elle a co-présidé la Convention citoyenne pour le climat en 2019, où elle a permis à 150 citoyens tirés au sort, d’opinions très diverses, de travailler dans le respect, la rigueur et la recherche du consensus. «  Elle sait prendre de la distance et n’hésite pas à rester en surplomb. Elle sait déléguer et n’est pas dans l’obsession du contrôle de tout », dira un participant. Ce modèle de démocratie participative, qu’elle défend depuis, incarne sa conviction de réconcilier la transition écologique et la justice sociale.
Elle siège depuis sa création au Haut Conseil pour le climat et joue un rôle actif dans plusieurs initiatives internationales pour financer la transition énergétique mondiale.

« Je ne crois plus à la politique des petits pas »

[ Laurence Tubiana ]

Une voix indépendante, humaniste et exigeante

Dans les sphères diplomatiques, Laurence Tubiana cultive une image rare : celle d’une femme libre. Proche de la gauche sans être inféodée à un parti, deux fois sollicitée pour un portefeuille ministériel qu’elle a décliné, elle dit « croire davantage aux mobilisations citoyennes qu’aux castings gouvernementaux ». Son nom a plusieurs fois circulé pour Matignon, tant elle incarne une compétence reconnue, une stature internationale, mais aussi une intégrité intellectuelle saluée même par ses opposants.
Sa pensée n’est jamais technocratique. Pour elle, le climat est un projet de société, pas un simple enjeu environnemental. Elle y voit une occasion unique de reconstruire un modèle économique, industriel, énergétique plus solidaire, plus résilient, plus démocratique. À ceux qui parlent de « transition », elle répond avec prudence : « Je ne crois plus à la politique des petits pas ».

La stratège d’un modèle énergétique européen

Laurence Tubiana défend une vision stratégique de la transition énergétique, qu’elle lie étroitement à la souveraineté économique et à la sécurité géopolitique de l’Europe. Pour elle, la sortie des énergies fossiles ne peut être réduite à un impératif écologique : elle est la condition d’une Europe indépendante, moins vulnérable aux chocs extérieurs et capable de se réindustrialiser autour de technologies propres.
Elle défend la mise en place d’une base industrielle décarbonée, compétitive et résiliente, sans retomber dans le mythe d’un retour aux énergies du passé. Elle plaide pour des investissements massifs dans les renouvelables, les réseaux intelligents, l’efficacité énergétique, tout en protégeant les populations vulnérables face aux mutations économiques.

Une présence rare au Luxembourg

La venue de Laurence Tubiana au Luxembourg s’inscrit dans un moment crucial, où les États, les entreprises et les citoyens sont appelés à dépasser les engagements pour entrer dans l’action concrète. Sa conférence promet de rappeler que la transition énergétique n’est pas une option, mais une opportunité collective à structurer avec méthode, ambition, et courage politique. Et que les solutions existent, si l’on accepte de les construire ensemble.

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